Incertitudes.
Tandis que je t'observe, pointant rigoureusement ta flèche sur ta cible. Je constate dans ton regard l'absence de crainte, tu es certain, absolument certain que tu vas toucher le centre parfait de ta cible. Pourtant, pauvre que je suis, j'observe moi aussi ta cible, et je n'en perçois que quelques couleurs qui se distinguent vaguement. Un vaste brouillon qui se réalise sous mes yeux sans refléter un brin d'harmonie, aussi, à ma vision perturbée s'ajoute ma main qui de toutes façons s'agite bien trop pour un objectif si rigoureux... Je vise l'existence et son ambition, mais je ne parviens pas à regarder droit devant moi, tandis que le ciel est insaisissaible, il ne me reste plus que le sol. Ce sol qui me rabaisse et m'amène à croire que l'humilité n'est qu'une tristesse vaguement dévoilée... Pourquoi toi, aussi grand que moi, avec probablement la même intelligence, les mêmes capacités, pourquoi parviens-tu à t'assurer sans te tromper de la certitude de ton objectif ? Il est pour ma part extrêmement inconvenant de songer que tu triches ou que tu n'es simplement pas préoccupé, il y a certainement autre chose de bien plus complexe, qui relève de la justice. La justice décrètant que les meilleurs sont ceux qui gravissent de hautes montagnes, et que ceux qui restent à terre, les yeux aux Enfers ne sont que des mécréants que leurs contemplations avaleront. J'ai très peur de cela, très peur d'être comme enchaîné parce que la vie a décrété que je ne devais de toutes façons pas gravir ces montagnes que tu gravis, et que je ne pourrais même pas viser correctement cette cible que ta flèche gagne avec la droiture la plus stricte. Et peut-être s'agit-il de droiture, de discipline... Oui, c'est cela ! Je suis indiscipliné, et alors, je ne parviens pas à gagner mes propres désirs, parce que, me dit-on souvent, je ne suis pas concentré. Mais en temps de guerre, les gens sont-ils concentrés pour trahir, sont-ils concentrés pour mourir puisque tel est leur objectif dans de si grandes souffrances... Il me semble que je m'égare, que je devrais viser le contraire de la fin, de la fatalité, c'est-à-dire, l'éternité. Mais l'éternité a, il me semble, quelque chose d'inconvenant, de mesquin et d'injuste, puisqu'elle n'appartient qu'aux dieux et aux élus si sagement désirés. Je ne suis donc pas un élu.
L'Animal contrarié.